7.2.12

Raskass d'un Tictocard prisonnier.


- Bon alors, ça sera quoi, hein?

Il y avait moi, autrement dit Alex, et mes trois compagnons, autrement dit Le Tiroir Caisse, La Vitre, et Mon Siège. Le Tiroir Caisse est à moitié vide, La Vitre me sépare des clients et de leur sale haleine, et Mon Siège lui, se dévisse sans arrêt. Belle équipe de bras cassés.

On m'a collé à la caisse de ce foutu cinéma. Le Royal. C'est tzarrible. Ils m'ont vu débarqué le jour de l'entretient et ils se sont dit que j'avais une parfaite gueule pour passer en haut de l'affiche. Puis après, ils m'ont vu m'assoir sur leur tabouret grinçant, et ils se sont dit cette fois que j'avais une parfaite gueule pour passer derrière la caisse. Merdzkoi. Une parfaite gueule de caissier. Vous y croyez? On m'la fait pas. J'essaye de voir le coté positif, derrière cette vitre, je peux garder mon chapeau. Il va bien avec mon costume blanc. C'est ma tenue de travail personnelle que je me suis autorisée moi-même. Je me sens bien dans ces platrusques usées. Le faux-cil j'ai du l'enlever depuis que mes protèges-glaze me font mal.
C'est la mortissure derrière cette vitre. Les gens vous prennent pour un petit animal en exposition dans un de leurs minables zoos qui sent l'urine stagnante et les bonbons trop sucrés tombés au sol. Ils y vont le dimanche après midi avec leurs gamins, ils payent leur place comme de bons bugattis, et ils sont contents d'avoir vu ce petit singe entouré de bananes en plastiques, ou ce beau serpent aux couleurs acryliques. J'ai toujours trouvé ca dégueulasse. Surtout depuis que c'est moi le reptile que l'on lorgne derrière ce messtot à la noix. Les animaux je m'en carre autant que mon premier sabog, mais comme j'ai le gulliver qui me cogne, je me dis qu'il se calmera peut-être si je dis quelque chose dégoulinant de bons sentiments.
Alors qu'on le sait tous : c'est chacun pour sa gueule ici.

- Bon alors, ça sera quoi, hein?
.
Cette phrase résonne à la sortie de ses goubeuses gercées. Elle cache ses encoches rebondissantes sous un t-shirt trop large, jaune moutarde. Dégueulasse. Sa crinière, elle, me rappelle l'ignoble soupe aux carottes paternelle, et son glazard, quand à lui hésitant, n'arrange rien. Ce n'est pas du tout le genre de minettes que l'on croiserait dans un magaze pour adultes, non, vraiment pas. Je réfléchis mécaniquement durant deux secondes.
Elle fera l'affaire.
J'ai quand meme l'envie incoercible de jouer aux gulligulivices avec elle... Tout comme les centaines de jeunettes qui piaillent chaque jours devant mon guichet. Ca fait désésperé, mais il y a longtemps que je n'ai pas peché de la dévotchka. Le dedans-dehors, c'est pas monnaie courante en ce moment. J'ai mis autant de billets de 20 dans mon tiroir caisse, que de paires de charrières dans mon lit depuis ce dernier mois. C'est à dire deux et demi. Deux billets de vingt, et une contrefaçon. Deux jolies p'tites dévotchkas avec leurs encoches de reves, et une contrefaçon. Oui. C'était un homme, je ne m'en suis rendu compte qu'au moment où j'ai apperçu une de ses yarbilles dépasser. Un putain de grassou, que notre ville ne reverra pas de si tot.

- Bon alors, ça sera quoi, hein?

Pour passer le temps je mets un peu de musique. Beethoven. J'aime bien. Je peux aussi vous raconter les petites raskass de tous les jours. Quand on est, comme moi, le chef d'un équipage constitué d'un Tiroir Caisse, d'une Vitre et d'un Siège, on s'occupe comme on peu. Alors je parle aux gens, comme vous appuyés sur le comptoir, ou bien je regarde le paysage. Souvent c'est la longueur des jupes, et la profondeur des décolltés. C'est intéressant, mais si vous voulez en savoir plus, allez faire un tour dans le vieux kino du Void, histoire de regarder ses cochonneries dans le noir comme tous les autres! On y trouve une faune bien particulière, mais pourtant très diversifiée. C'est ici que j'ai rencontré le vilain grassoussou. Habillé d'une robe à paillettes, les cheveux longs. Comment j'aurais pu deviner? Voyons, on fait tous des erreurs. Si vous voulez donc entendre parler d'histoire de dedans-dehors, courez-y, je ne vous en voudrais pas. J'y vais moi-même souvent, tantôt avec quelques drougs, tantôt seul. Le plaisir est différent, mais généralement là. Si votre truc c'est le glauque, évidement.
Sinon, restez, et vous aurez peut-être l'équivalent d'un film de série B sur un écran huit mètres sur cinq, froissé. Les pop-corns ne sont pas offerts, et la conficonfiotte non plus.

- Bon alors, ca sera quoi hein?

Une fois, je ne tenais plus en place. Quand on reste assis toute la journée sur ce bon vieux Siège tout déglingué, et que l'on boit du moloko à chaque pause, c'est à dire toutes les trois heures, on doit aller se libérer aux water-closet. Ce jour là j'étais un peu pianitza, mon corps distillait encore des vapeurs d'alcool à deux mètres à la ronde. L'avantage de bosser derrière une Vitre, c'est qu'en plus du coté inhumain de la chose, on peut être gouspineux et sentir la forella, personne ne vient nous emmerder. La Vitre fait barrière de protection. Pensez-y la prochaine fois que vous serez à un guichet et que vous verrez cette Vitre glaciale qui vous sépare de votre interlocuteur. Peut-être qu'il sent le viokcho. Moi en tout cas je suis bien content de n'pas vous sentir, vous avez un de ses airs éberloqués des fois, 'faut vous-y voir. Je clopais aléatoirement jusqu'à l'endroit tant convoité - les commodités. Quand j'ai du spoutik dans le sang, il ne faut pas m'énerver. Y'avait un veck, il m'a vu arriver et a dit avec sa golosse ridicule, genre directeur de cirque, "Euh, c'est vous qui vous occupez des toilettes? Il n'y a plus de papier." Petit merdzkoi. Ni une ni deux,c'est ma cancerette qui s'est écrasée sur son front . Moi j'étais complétement razdraze, et lui, il critch critch critchait sans arrêt. Ça s'est finit à coup de grosses godasses sur les doigts. Il lui en faudra, oui, du papier, pour essuyer tout cette saloperie rouge. Un fois ce bazar fait, je suis allé me soulager dans une cabine.

- Bon alors, ca sera quoi, hein?

Oh, la vieille Valérie avec ses mains froides débarque comme un phoque devant moi. Elle me glousse un "une place pour Zardoz". Quel film. Même le p'tit Jésus n'irait pas voir ça. Elle ajoute avec son gros menton graisseux un "enfin deux, si on compte le petit en route". Ah. Un polichinelle dans le tiroir. Mais vu sa tête, le contenu de mon Tiroir caisse aura certainement meilleure allure. Elle caquette un "Merci" et s'en va sous la pluie, tellement un dindon qui aurait avalé un ballon de football. J'aime bien quand il pleut, ca m'donne envie de égosiller la golosse en chantant. En Chantant sous la Pluie. Ça me rappelle avec mon p'pa quand j'étais haut comme trois pommes. Ça m'rappelle un tas de trucs d'ailleurs, bien plus récents.
Mon siège s'est encore dévissé. Je me lève, le fait tourner, et me rassois. Il me fait mal aux yarbilles, c'est tzarrible.
Y'a une p'tite vieille, elle vient tous les jours me voir. Elle ne regarde aucun film, elle n'a pas l'argent. Elle vient là, pour me parler.
Une fois c'est ce vieux bézoumni de projectionniste, Anthony, qui est v'nu me voir. Il m'a demandé si je n'avais pas vu la bobine n°3 d'un film à dormir debout. Je lui ai dit que pellicules de kino j'en avais jamais vu dans ma p'tiote de vie. Et je m'disais que ca devait pas bien etre solide. Il m'a dit, que c'était si solide qu'on pouvait se pendre avec. Mortissure. J'ai eu le tictocard qui s'est emballé. Tic tac.
Depuis cette information, on a plus revu Anthony. Ne me jetez pas de regards accusateurs avec vos grands glazes ouverts. Il n'avait qu'à rien dire. En parlant d'ouvrir grand les glazes, v'la une jolie tchina toute sophistoque qui frappe contre le carreaux. Elle respire le tilt, le fric, a plein nez. Je lui répond, d'un air absent histoire de la faire variter, un


- Bon alors, ca sera quoi hein?

- Le dernier de Kubrick, deux places s'il vous plait.

- Ah, pas possible ma p'tite chérie, la collocolle annonce la pause. Exqui cucuses usées. C'est l'heure d'aller se prendre un petit moloko au distributeur.

- Mais ca ne prendra qu'une minute.

- Vous voyez, y'a marqué Fermé. Vous n'aviez qu'à arriver plus tot. Soit dit en passant, l'histoire d'un tchelloveck ultra-violent qui tappe tout le monde avec sa canne ça arrive tous les jours. Allez donc voir celui la rediff' de Resnais, il parait qu'elle est à mourir de rire.

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