7.2.12


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Partie 1 d'un projet pour l'instant mort-né. 
(avec le personnage Aleksandr Tchavelski)

L'heure du noctambule a sonnée. 4 heures 23. Tic tac. J'ai les doigts qui me démangent. Sur le bord du lit, assis, je regarde les lacets de mes godasses se battre en duel. Y'en a un, tout déchiré. L'autre en parfait état. Ca symbolise un peu la dualité de l'homme, comme dirait n'importe quel étudiant en lettres, ou charlatant qui fait payer sa consultation plus cher qu'une nuit à l'hotel. Ca tombe bien. Je lis pas. Je vais pas voir de psy. Et j'aime pas les chambres d'hotel.
Je ne fais plus rien et j'aime pas grand chose.
Seulement là, j'ai la valise qui me titille. Une gorgée. Ca me picotte les bras au rythme d'une horloge encrassée. Tic. Tac. Pas d'horloge chez moi. Pas de ça. Les trucs à répétition, ca m'angoisse vous savez. Faire mes lacets ca m'angoisse. Je les fais pas, c'est pour ca qu'ils se battent. Ils passent le temps, ils ont meme l'air de plus s'amuser que moi. C'est un comble. Ils sont deux c'est p'tetre pour ça. A deux on s'amuse plus que tout seul, assis au bord d'un lit qui transpire la cigarette froide, et de draps délavés qui vomissent des cailloux. Je crois que c'est du sable. Deux gorgées. Des fois quand j'ai pas le courage de faire mes lacets, je me balade pieds nus. Et comme en ce moment j'ai pas le courage de grand chose, je me glisse sous la couverture qui gratte. Ca vient peut-etre de là. Ou du sandwich que j'ai mangé à l'instant. Des miettes dans le ventre ou des cailloux dans la tete? Tout ce que je sais c'est que chez moi c'est un sacré bordel. Va falloir encore que je fasse le ménage avant de retrouver ca dans un carton à l'entrée d'une cellule. Allez savoir quelle cellule.. Vite, trouver un pretexte pour ne pas le faire, oh, 4 heures 31. J'ai les orteils qui claquettent au fond de mes chausettes. Trouées. Et pour bien faire, dépareillées.
Trois gorgées. A mettre dans la valise : ° Chaussettes. 4

° Pantalon. 2

° T-shirt. 2

Tic Tac. La paranoia frappe à la porte de ma cage cranienne. Et ce qu'elle frappe fort, ca résonne.  Un peu de respect pour le mobilier, deja bien usé. Bonjour, vous voulez etre de la partie? Non il n'y a plus de place desolé, repassez me hanter plus tard. Si vous pouvez, quand je serai en prison, ca m'occupera pas mal, car si ils me retrouvent j'en prends pour longtemps. Et Brindavoine ne pourra pas me rendre la pareil. ouais. Dans sa cage en béton armé, la bourgeoise moisie. Bourgoisie moisie, drole de rime, je trouve que c'est plutot juste.

° Caleçon. 4

° Pull. 6

° Gant. 2

° Brosse à dent. 1
Le reste, je le volerais dans des toilettes publiques. Je n'ai plus trop d'argent depuis que mon unique source de revenue est passée derière les barreaux. Ce n'était pas très légal mais cela suffisait à rester un minimum propre. Les savons près des lavabos font d'excelents produits douche, et les essui-mains n'éssuient pas que les mains. Sachez-le.

° Livre. 1
Survivant de Palahniuk. Ca commence par un crash en avion. Mise en condition. On va rire.

° Carnet. 1
J'en ai des choses à vous dire. Vous n'avez pas idée.

° Paquet de bonbons au miel. 2
tic tac
Les bonbons au miel ca atténue mes tics tacs. Allez savoir pourquoi. On s'est moqué de moi une fois, en me disant que ca ne changeait rien du tout. Que ce n'était qu'un pretexte pour en manger. Quatre gorgées. C'etait une fille qui ne supportait pas qu'on lui touche ses pouces, comme voulez vous etre crédible quand vous avez ce genre de comportement. Mais c'est vrai que c'est bon, les bonbons au miel.

° Billet d'avion 1
L'allé seulement.

Récapitulons...
4+2+2+4+6+2+1 = 27 (à recompter)

Angoisse. Je dois rajouter quelque chose d'impair, sinon mon avion s'écrasera. Je n'ai pas envie de faire de remake de livres que je n'ai pas encore lu. Savoir la fin avant d'avoir vu le début, ca ne m'interesse pas. Et ce mécanisme qui résonne...
Une paire de lunettes de soleil cassée fera l'affaire. Pas convaincu que ca soit utile à Berlin, en plein mois de décembre. Mais bon. Je prefere une vision sombre et rayée à un crash aérien. En plus, on ne me reconnaitra pas comme ça.

° Paire de lunette de soleil cassée. 1

Le compte y est. Je respire. Je vais enfin pouvoir partir, et me libérer. Si je reste un jour de plus dans ce trou à rat, ils vont me trouver. Et je finirais comme lui. Ou comme ses 14 personnes. En prison, ou étranglé. L'un n'est pas plus réjouissant que l'autre. Cinq gorgée. La cigarette mordillée tient en équilibre à coté de ma bouteille. Je m'appercois que depuis trente minutes je bois sans m'en rendre compte du sirop pour la toux. Rose. Et c'est meme pas bon. Vu la couleur de l'étiquette, ca doit etre le premier prix de la game à saveur "sirop pour la toux". Preferer les bonbons au miel. Ou le vin.
On m'a dit que ca réchauffait le coeur. Oui. Et aussi que ca niquait le foie.
Mon cendrier est tout juste assez fumant pour m'empecher de tout faire bruler. Mes engrenages se dérouillent un peu.  Je me leve. Fenetre fermée. ok. Volet fermé. ok. Chat.
Ai-je confié le chat au voisin?
Ah non. Plus de chat. C'est vrai.. Lui aussi a fuit la pendule.

Je crois que tout est pret. Mon avion est dans quatre tours d'horloge.
Je vérifie une derniere fois l'heure de mon bus. Raté à l'instant. Et a 5 heures et des poussières du matin, ce genre de carcasses courent pas les rues. Direction la station de métro la plus proche. Dans le creux de mon oreille, il y'a un savant fou qui prends son pied en faisant grésiller une radio et tinter des grelots contre ma parroie métalique. Cling. De manière réglière. Cling . Il y'a des cailloux qui font la fete aussi, ca s'entrechoque un peu trop à mon gout. Tapage nocturne. Cling. Je me venge en prennant cette fois ci, un verre de vin. Ca les assomera un peu. Ou alors ca sera moi. Tout le monde s'amuse dans mon crane. Au rythme cadencé du minuteur. Pour la peine, j'me casse.

Fermer la porte, a double tour. Deux fois toujours. Tic Tac.
Se retourner, verifier si elle est bien fermée.
Partir. tic.
Revenir. tac
La réouvrir. Refermer.
Mais la question que je me pose réellement ce n'est pas si cette satanée porte est bien fermée, non... Mais pourquoi je fais ca? tic tac. Ses foutus ptérodactyles qui me grattent l'interieur de ma tete. C'est ça la réponse. J'ai toujours eu un problème pour passer les portes. Pour les fermer. Et pour quitter un endroit. C'est comme si je quittais une partie de moi meme. Que je m'effaçais. Alors la seule solution que j'ai trouvée, c'est de m'acharner dessus. Preferer le terme solution qu'obsession.
Ca me rappelle une anecdote que j'ai entendue il y'a peu. Un homme qui gardait tous ses mégots de cigarettes et ceux des gens avec qui il discutait. Et il les ramenait chez lui le soir. Il avait une pièce rien que pour ça. Apparemment il ne supportait pas qu'une partie de lui meme soit jetée à la poubelle, éparpillée. Perdue. Alors il gardait tout, pour ne pas se perdre lui meme.
Mouais.
Il y'a vraiment de ses cinglés en ville de nos jours.
J'ai les poches pleines de mégots, mais c'est juste faute d'avoir autre chose à y mettre.
tic tac.
L'horloge du gardien m'insupporte.  Ses nuits sont deja longues, pourquoi compter les minutes? Les secondes, qui se n'arretent jamais. jamais. jamais. jamais. J'ai l'impression d'ettoufer, comme si ma respiration suivait le rythme et que je manquais d'air. Un métronome dans la tete, sans fin.. En boucle. Sauf si on le casse, ou que l'on enleve les piles.
Quand j'ai pas le controle sur les choses, je deviens irritable. Je deviens mécaniquement fou. Un avion en mode pilote automatique, qui n'a pas envie de l'etre. Savoir qu'il n'y aura jamais d'imprévu et que tout est déjà fixé, aseptisé, ca me donne le tournis. J'ai deja envie de vomir avant d'embarquer dans les airs.
J'aime les disques rayés, le métro en retard de ses 4 minutes d'attentes, la machine a café qui  met trois batonnets en plastique alors que je n'ai pas demandé de sucre. Les feuilles de livres qu'on a oublié de découper. Les bonbons collés entre eux dans le paquet avant meme la sortie de l'usine.
Tout ce qui n'est pas régulier, et prémédité.
Tout ce que l'on peut inventer.
Raturer, acceler, dévier. Et arreter, pour aucune raison particulière.
C'est pour ca que les tics tacs ça m'angoissent. C'est pour ca que mes faire mes lacets ça m'angoisse, ils sont destinés à se rencontrer. C'est inévitable. J'aimerai les couper. Acheter une fermeture éclaire, et faire sauter le système.
En parlant de faire sauter le système, je disjoncte, et mon avion ne m'attendra pas. La porte est enfin bien fermée. Pour les besoins de la cause, j'ai ma valise en main, les pieds sur les rails direction l'aéroport et la liberté. J'acheterais des chaussures à scratch sur le chemin.
Ai-je bien éteins le gaz?
Toujours le meme problème. 

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